La mélée
La mélée
Midi Olympique organisait ce jeudi les Etats Généraux de la Mêlée. Lors du premier débat, Serge Simon, Jean-Pierre Garuet, Vincent Moscato, Raoul Barrière et Pierre Conquet ont débattu sur "La mêlée, son histoire, sa philosophie".
Revivez le débat :
14:48 - De grands noms du rugby français vont se succéder pour aborder ce sujet: Barrière, Retière, Garuet, Moscato, Conquet, Simon, Bru, Sanchez... tous apporteront leur expérience, leurs connaissances et leur expertise.
14:49 - Dans une première partie, nous découvrirons l'histoire de la mêlée, et sa philosophie.
14:50 - Pour en parler, Pierre Conquet, co-auteur de l'ouvrage référence "Les Fondamentaux du Rugby" avec Jean Dévaluez prend la parole. Pour lui, c'est le coeur du jeu. C'est par là où il commence, et c'est aussi là où il se termine.
14:51 - Raoul Barrière revient sur l'histoire: au milieu du 18eme siècle, un Anglais, Thomas Arnold, avait proposé un jeu proche de la soule à ses élèves pour leur permettre de se dépenser...
14:53 - A cette époque, porter le ballon relevait presque du danger: le porteur pouvait être violenté, le faible nombre de règles autorisait nombres d'empoignades chaotiques... mais l'apparition des règles fut lente, et progressive... Que de chemin accompli depuis !
14:55 - Pour Jean-Pierre Garuet, le rugby est le seul sport où l'on trouve un combat de huit joueurs contre huit joueurs. En ce sens, la mêlée est incontournable dans le jeu de rugby. Pour lui, c'est aussi un monde à part. Les souvenirs qu'il gardent de certains affrontements sont à jamais gravés dans sa mémoire.
14:59 - Au tour de Vincent Moscato d'intervenir. L'animateur de RMC estime que l'homme aime fondamentalement la guerre. Et que la mêlée est un moyen de recréer, théatralement, cette guerre. Il explique également que le rugby est le sport principal pratiqué à l'école militaire de West Point, aux Etats-Unis. Un constat étonnant, compte tenu de la faible popularité de notre jeu aux Etats-Unis. Mais l'officier américain lui expliquait que ce sport possédait une dimension tactique particulièrement intéressante pour former les jeunes officiers.
15:01 -Serge Simon prend la parole: pour lui, la mêlée est un symbole du rugby. Pas seulement dans la métaphore, mais dans l'histoire du jeu. Il rappelle que le football du 18ème était un gigantesque "mauling": la mêlée fermée, comme connue aujourd'hui, en est le vestige, le patrimoine transmis.
15:04 - Serge Simon explique aussi que la confrérie de la mêlée est scellée par sa dangerosité inhérente: en entrant en mêlée, chaque avant remet son sort entre les mains de son coéquipier. Dans cette architecture humaine, il faut se lier aux autres, sous peine d'être châtié. La symbolique est lourde, prégnante, omniprésente.
15:05 - Serge Simon rappelle également l'utilité de la mêlée pour le spectacle: en laissant des forces dans la bataille, les joueurs défendent nécessairement moins, et laissent des espaces... ca qui engendre des percées, des essais...
15:08 - Pourquoi la mêlée est-elle une spécialité française, ou argentine ?
15:10 - Raoul Barrière avance l'hypothèse de l'intimidation: ces pays ont toujours accordé beaucoup d'importance à ce secteur pour marquer physiquement l'adversaire, et faire basculer un match.
15:11 - Le thème des accidents est abordé: Vincent Moscato reste perplexe...
15:12 - Moscato affirme qu'il préférerait jouer talonneur, à l'heure actuelle, que centre, au vu du gabarit des joueurs de trois-quarts et de leurs qualités de vitesse.
15:14 - Moscato s'emporte: pour lui, il n'y a pas, ou très peu d'accidents en première ligne. Ainsi, des mêlées écroulées, dans le monde professionnel, ne sont pas si graves, car les joueurs se extrêmement bien préparés. Voilà pourquoi il faut arrêter de sanctionner la mêlée a tout va: en clair, il faut arrêter de codifier quelque chose qui n'est pas codifiable.
15:17 - Serge Simon reprend la parole: pour lui, on a fait de la mêlée un sprint. Il se souvient des mêlées des années 80, où les joueurs se liaient alors qu'ils se dirigeaient encore vers l'arbitre. Cet affrontement brusque et trop furtif est devenu trop instable.
15:18 - Simon met en lumière un paradoxe: refaire une mêlée. Si la première n'a pas été régulière, comment demander à des joueurs déjà émoussés physiquement ou dominés techniquement de faire mieux ?
15:20 - Jacques Verdier, qui anime le débat, s'interroge: comment expliquer cette incroyable sévérité des arbitres en ce début de saison ?
15:21 - Jean-Pierre Garuet en appelle à plus de tolérance des arbitres: si le ballon sort et qu'il est exploitable, il faut laisser jouer.
15:22 - Garuet se demande aussi si les joueurs d'aujourd'hui travaillent suffisamment ce secteur.
15:23 - Raoul Barrière s'interroge quant à lui à la multiplication des commandements: pour lui, quatre commandements était démesuré, et trois l'est à peine moins. Il faudrait leur rendre la tâche plus facile, et réduire encore le nombre de commandements.
15:24 - Pierre Conquet s'interroge sur le nombre d'arbitres qui ont eux-mêmes joué en première, ou à la rigueur en deuxième ligne. Comment comprendre cette phase de jeu alors qu'on ne l'a pas vécue ?
15:25 - Verdier relance: quelles solutions pour remédier à ce problème ? Serge Simon prend le micro.
15:25 - Pour Simon, cet hyper-interventionisme des arbitres a stigmatisé les joueurs de premières lignes: "tous tricheurs". Pour lui, c'est inacceptable.
15:28 - Depuis cette saison, les choses ont pris une tournure fâcheuse: non seulement ces pénalités étaient trop aléatoires, mais il fallait "remettre les piliers au pas". Pour Simon, cette chasse à l'homme nuisait aussi à l'équilibre social de l'équipe de rugby, dans lequel les première ligne occupent une place particulière.
15:28 - Simon, président de Provale, annonce une réunion qui aura lieu le 15 octobre, qui placera arbitres, joueurs, et entraineurs autour de la table.
15:30 - Simon rappelle qu'une mêlée est une chose fondamentalement imparfaite, qui ne peut être rectiligne, immobile, lisse.
15:30 - Pour salut, le dialogue. Simon appuie sur le fait que le dialogue entre joueurs et arbitres doit être rétabli.
15:33 - Une dernière question pour clore le premier débat: comment redonner ses lettres de noblesse à la mêlée fermée ?
15:34 - Barrière concède que joueurs et arbitres doivent tout d'abord accorder leurs violons
15:35 - Mais énumère aussi des raisons techniques, voire biomécaniques, comme les appuis du talonneur. Jadis, le talonneur entrait en mêlée avec des appuis décalés, qui le rendait beaucoup plus stable. Aujourd'hui, en mettant ses pieds sur le même axe, il subit forcément un déséquilibre vers l'avant.
15:36 - Autre raison, le rôle des troisième ailes qui, jadis, stabilisaient leur pilier, alors qu'aujourd'hui ils apportent toute leur puissance dans la poussée.
15:38 - Pierre Conquet propose de travailler davantage en opposition complète dans les clubs: plutôt que travailler sur un joug, forcément stable, les packs doivent s'exercer en opposition réelle pour recréer les conditions de déséquilibres inhérentes à la mêlée.
15:41 - Serge Simon se veut optimiste: pour lui, le dialogue résolvera le problème. Il ne croit pas en la théorie du complot des arbitres. En revanche, il est certain de la présence d'une forte incompréhension entre joueurs et arbitres.
15:42 - Grâce à cette réunion du 15 octobre, il espère que les piliers prouveront leur bonne foi, et que les arbitres expliqueront comment réduire le nombre de pénalités.
15:43 - En tout cas, la tolérance zéro ne peut pas marcher: toutes les fautes que les arbitres sifflent ne sont pas des fautes, à proprement parler.
15:47 - Le premier débat est à présent clos, restez avec nous, et retrouvez en deuxième partie des intervenants comme Didier Retière, Yannick Bru, Serge Simon et Didier Sanchez.
Faut-il supprimer ou non l'impact ?
15:55 - Didier Sanchez est catégorique: "Il ne faut pas supprimer l'impact en mêlée".
15:56 - Pour lui, c'est une phase de jeu spectaculaire, un moment que tous les publics attendent.
15:57 - Il cite l'exemple d'un match soporifique, dont l'intérêt n'est relevé par une seule chose: une mêlée à 5 mètres, au cours de laquelle le public se réveille.
15:58 - Il assure aussi que la préparation physique permet de prévenir les blessures. Il entraine également dans le milieu amateur, notamment à Toreilles, en Fédérale 3: l'impact permet de travailler les appuis, la tonicité du dos, et force les joueurs de pousser vers le haut.
15:59 - Didier Retière abonde dans ce sens: en se basant sur son expérience internationale, il affirme que la France et la Nouvelle-Zélande sont les deux nations à la pointe de la mêlée fermée.
16:01 - Le problème, selon Retière, est que la mêlée est aujourd'hui réduite à une guerre d'impact. Et que la mêlée se termine au moment même où elle commence. L'affrontement en mêlée ne peut être aussi bref. La phase de poussée doit être valorisée.
16:03 - Yannick Bru estime que les Néo-Zélandais ont été les premiers à lancer cette course à l'impact, avec des études menées par des biomécaniciens.
16:04 - C'est une mode à laquelle il avoue avoir été sensible, et qui a aujourd'hui gagné tous les clubs français. Mais il réalise aujourd'hui que ce n'est pas viable, et trop instable. Il estime qu'il faut réintroduire un temps de latence entre l'entrée des joueurs et l'introduction, pour augmenter l'importance de la poussée.
16:05 - En faisant l'inverse, on se dirige vers le rugby à XIII, où les mêlées sont particulièrement furtives.
16:08 - Serge Simon rappelle un autre problème: celui de l'allongement du temps de latence avant l'entrée des joueurs en mêlée. En réglementant autant l'impact, on a augmenté le temps de latence, qui use déjà les joueurs. En moyenne, on passe 70 secondes pour jouer une mêlée, note Retière, contre 10 secondes dans les années 80... Soit une minute de gainage supplémentaire à chaque mêlée...
16:11 - Retière: une mêlée, c'est vivant. On bouge, on bouge l'adversaire, il y a forcément une faute... mais ce n'est pas toujours de la triche !
16:13 - Bru prône ausi la réduction du nombre de commandements: en mettant quatre commandement, on a scénarisé un départ de sprint.
16:15 - Il avance aussi un problème anodin, mais important: les nouveaux maillots insaisissables, qui sont tout simplement catastrophiques pour les joueurs de première lignes, qui peinent à se lier. Les équimentiers, désireux de proposer des produits insaisissables pour favoriser les franchissements, oublient ce problème.
16:18 - Pour Retière, les arbitres doivent se donner plus de temps pour observer tous les paramètres de la mêlée: ainsi, il faut déconnecter l'introduction de l'impact.
16:18 - Jacques Verdier interroge: comment améliorer la clarté de cette phase pour le grand public ?
16:19 - Didier Sanchez insiste sur la réduction des commandements, pour simplifier les choses.
16:20 - Il avance aussi que l'arbitre devrait prendre le temps de se reculer davantage, pour avoir un point de vue plus large sur la mêlée fermée.
16:21 - Quid des grands piliers ? Aujourd'hui, nombre d'entre eux dépassent le 1,90m...
16:22 - Retière estime que ces grands piliers doivent travailler davantage leur souplesse. Seulement, c'est un travail fin, de longue haleine, destiné à améliorer les postures des piliers. Peu d'entraîneurs acceptent, ni ont le temps de le faire.
16:26 - Serge Simon revient sur l'autorégulation de la mêlée: chaque tricherie était automatiquement sanctionnée par l'équipe adverse. Un pilier droit, suffisamment fort et doué techniquement pour entrer sur le côté pour aller chercher les côtes du talonneur, s'exposait à des représailles. Mais sa supériorité technique pouvait aussi lui permettre d'asseoir sa domination, et de marquer son adversaire. Pour Simon, un arbitre n'a pas a intervenir dans ce duel.
16:27 - Selon lui, on ne devrait pas exiger d'avoir des mêlées stables: comme c'est un duel, il y a forcément domination, et donc déséquilibre.
16:29 - Retière explique qu'en Nouvelle-Zélande, un classement des équipes les plus sanctionnées en mêlée est fait.
16:30 - Une bonne façon de faire évoluer les comportements.
16:33 - Bru rebondit sur l'exemple de l'hémisphère Sud: ces pays ont décidé de laisser le moins d'énergie possible dans la mêlée. Pendant toute la semaine, ils s'appliquent à travailler sur le timing de diction des commandements de l'arbitre, pour lancer la poussée au "E" de "Engage !" par exemple... A notre grande différence, car les Français ont l'habitude d'apporter beaucoup de soin à la poussée, aux liaisons...
16:38 - Didier Sanchez s'inquiète du nombre important de piliers étrangers dans le championnat... Près de 40% ne sont pas éligibles à l'équipe de France...
16:41 - Didier Retière pointe une surenchère de la dimension athlétique du rugby: on court plus, on plaque plus, mais on a peut-être oublié le côté artisanal du rugby, et de la mêlée fermée, secteur où le savoir-faire est primordial. Les éducateurs doivent se placer au plus près des jeunes, pour favoriser l'émergence des jeunes.
16:43 - Un joueur de série régionale, présent dans la salle, se lève alors pour livrer son témoignage: il pointe le manque de temps, et le manque d'expertise des petits clubs pour former ces joueurs.
16:46 - Yannick Bru pointe aussi du doigt de la rapidité de certains à stigmatiser les choses qui ne vont pas: un classique, celui de dénombrer les mêlées sanctionnées à chaque match. Mais la vérité statistique est trompeuse: pour quelle raison s'est-elle écroulée ? La caricature est facile...
16:47 - Le mot de la fin se veut résolument optimiste: les acteurs de ce débat ont foi en le dialogue, et espèrent que la réunion du 15 octobre, à l'initiative de Serge Simon, saura rétablir la communication entre l'ensemble des acteurs du rugby français.
Liens directs :
http://www.rugbyrama.fr/rugby/top-14/20 ... tory.shtml
http://www.rugbyrama.fr/rugby/top-14/20 ... tory.shtml
Re: La mélée
Je relance un peu cette discussion pour savoir ce que, vous, vous en pensez...